Dés 1932, avec la dégradation des relations internationales, l'Ingénieur Général du Génie Maritime Sigismondi commença discrètement l'étude de la conversion d'un navire de commerce en porte-avions. La construction des porte-avions n'était pas encore à l'ordre du jour puisque le Duce avait proclamé que l'Italie était un porte-avions insubmersible.
Le choix se porta sur le paquebot Roma. C'était un navire vieillissant et qui donnait de moins en moins satisfaction à son armateur en raison de sa faible vitesse de 20 noeuds et de sa grande consomation de mazout.
A première vue, ce choix pouvait paraître mauvais puisqu'il existait alors des paquebots beaucoup plus performants. Mais les récents Rex et Conte di Savoia étaient conservés pour une utilisation immédiate après guerre. De plus, il était d'abord prévu de le convertir en simple porte-avions auxiliaire avant d'en faire un porte-avions d'escadre.
La conversion débuta en juillet 1941 aux chantiers Ansaldo de Gènes et il fut renommé Aquila en février 1942. Les superstructures furent rasées et les aménagements internes furent modifiés pour accueillir le nouveau sytème de propulsion.
Elle devait donner un navire avec une faible protection due en grande partie à la solidité douteuse de la coque d'origine civile. Le pont d'envol ne devait pas être blindé. Seul un blindage de 60 à 80 mm était prévu pour les soutes à munitions et à combustible. La timonerie étaient protégée par 30 mm. La protection sous-marine était originale puisqu'elle était constituée d'une paroi de ciment armé de 60 à 80 cm d'épaisseur coulée entre la coque et la contre-carène. Ce système avait été installé sur les 2/3 de la longueur de la coque et émergeait nettement tout en descendant très profondément, plus bas que la carène. La contre-carène avait aussi une autre fonction. Elle devait, en effet, améliorer la pénétration dans l'eau de la coque. La largeur de la coque passa donc de 25 à 29 mètres. Les trois plus basses lignes de hublots furent obturés définitivement.
L'ensemble propulsif originel fut entièrement débarqué et remplacé par quatre ensembles moteurs provenant des croiseurs Cornelio-Silla et Paolo-Emilio de la classe Capitani Romani alors en construction. L'appareil évaporatoire était constitué de huit chaudières produisant de la vapeur surchauffée dont la pression atteignait 29kg/cm2 et la température, 320°C. Les machines devaient développer 53150 ch par arbre, ce qui aurait assuré au navire une vitesse de 30 nds à 310 tours par minute. Les hélices comportaient quatre pales et avaient un diamètre de 3.90 mètres et 2 pas différents: 3.80 mètres pour les externes et 3.65 mètres pour les internes. Pour réduire les risques en cas de torpillage ou d'explosion de mine, quatre locaux distincts et séparés par des doubles cloisons étanches furent installées et regroupant chacun la chaudière et les machines spécifiques à un arbre. Chaque groupe moteur était donc séparé des autres. Cette disposition originale était due à l'Ingénieur Général du Génie Maritime Modugno. Ceci avait aussi l'avantage de raccourcir les circuits d'eau, de vapeur et de lubrification, tout en rendant la surveillance des machines plus aisée. La capacité des soutes en mazout était de 2800t. Elles assuraient 4150 milles à 18 nds et 1210 milles à 29 nds. En surcharge, avec 3600t de mazout, l'autonomie était devait être de 5500 milles à 18 nds et 1580 milles à 29 nds.
L'armement devait comporter 8 canons de 135/45 mm antiaériens en encorbellement commandés au départ pour les croiseurs de la classe Capitani Romani, 12 canons de 65/54 antiaériens en encorbellement et 82 canons de 20 mm. L'aviation devait comprendre au maximum 66 avions. La dotation normale étant de 51 avions: 26 dans les hangars et 25 suspendus. Un seul type d'avion était prévu, en l'occurence le Reggiane 2001 à ailes fixes.
Le pont d'envol n'était pas blindé et avait les dimensions suivantes: 211.6 mètres de long et 25.20 mètres de large. Il se trouvait à 16.20 mètres de la flottaison et à 23.5 mètres de la quille. Ses 10 derniers mètres étaient inclinés de 8° pour faciliter les appontages. Sous ce pont se trouvaient les quatre hangars isolables par des cloisons anti-feu. Deux ascenceurs équipaient le navire: 1 devant l'îlot et l'autre au pied de la cheminée. Deux catapultes à air comprimé Demag offertes par les allemands étaient prévues. Il a reçut en outre les ascenceurs ainsi que les tambours d'arrêt prévus pour le Flugzeuträger B allemand. Quatre brins d'arrêt étaient prévus.
La détection électromagnétique était prévue sur l'Aquila avec un exemplaire du Gufo EC III. ce dernier devait être monté tout en haut de l'îlot et pouvait pivoter sur 360°. Toutefois il ne put être monté à temps.
L'équipage devait être composé de 65 officiers et 1110 matelots pour la Marine et de 43 officiers et 202 aviateurs pour l'aviation.
En 1942, dés que les alliés prirent pied en Afrique du nord, les travaux furent perturbés par des bombardements. Novembre 1942 fut marqué par l'explosion d'une bombe incendiaire qui retarda les travaux de plusieurs semaines. Il est alors mieux camouflé, le long d'un quai du bassin Boccardo, dans le prolongement du croiseur Cornelio-Silla,dont la construction avait été interrompue.
Le 8 septembre 1943, un armistice est signé par l'Italie et les alliés. L'Aquila est alors abandoné et légèrement saboté. Il est aussitôt saisi par les allemands qui continuent la lutte. Il est une nouvelle fois touché par un bombardement le 16 juin 1944.
A la fin du conflit, les allemands s'apprétaient à le placer à l'entrée du port de Gènes pour en interdire l'usage. Toutefois, le 19 avril 1945, les nageurs de combat Conte et Marcolini pilotant une torpille humaine, attaquèrent le navire. Ils placèrent néanmoins leur charge trop loin de la quille et l'Aquila ne fut pas coulé. Le porte-avions fut donc placé àl'entrée du bassin de Sampierdarena.
Une fois les combats à peine achevés, il fut ramené à quai puis remorqué à La Spezia.
Plusieurs hypothèses furent alors étudiées. On envisagea son utilisation comme porte-avions dans la Regia Marina d'après guerre. Une autre piste étudiée fut celle d'une nouvelle conversion en navire civil. On a aussi pensé s'en servir comme centrale électrique à quai. Toutefois, le traité de Londres contraint l'Italie à compenser les pillages de Toulon, ce qui scella le sort de l'Aquila. Il fut rayé des listes de la Regia Marina le 13 mai 1947 avec effet rétroactif au 8 septembre 1943.
Il ne fut démoli qu'en 1952.
Caractéristiques:
Longueur hors tout 231.40 m
Longueur entre perpendiculaire 202.40 m
Largeur 30.05 m
Tirant d'eau 7.39 m
Déplacement normal 26700 t
Déplacement maximal 27800 t
Puissance 151000 ch
Vitesse 29.5 nds
Vitesse maximale à mi-charge 30 nds
Rayon d'action à 18 nds 4150 milles
Rayon d'action à 29 nds 1210 milles
Machines 8 chaudières produisant de la vapeur à 29 kg/cm² et 320°C
Armement 8 canons de 135/45 mm AA,
12 canons de 65/54 mm AA,
82 canons de 20 mm AA,
Aviation 51 avions en dotation normale et 66 au maximum. Type Re 2001 à ailes fixes,
Détection électromagnétique Un radar Gufo EC III,
Equipage 65 officiers et 1110 matelots pour l'effectif marine
43 officiers et 202 aviateurs pour la Regia aeronautica